DES FAUVES

Commande possible de mon premier roman DES FAUVES édité chez Kirographaires.

Exemplaire numéroté et dédicacé par bibi.

Cliquez ci-dessous :


http://edkiro.fr/des-fauves.html

jeudi 12 avril 2012

Les jours tout blancs et les nuits lie de vin

A commencer par les aubes qui rougeoyaient à l'horizon, transperçaient la lucarne, des fleuves lumineux qui s'avalaient sans soif.

Xavier avait sa piaule en bas. Sa piaule, ils lui avaient lambrissée. Le reste était tout en parpaings avec des boîtes d'oeufs collées un peu partout pour étouffer les sons. Mais on les entendait quand même pétarader dans les vignes toutes proches, les fusils des chasseurs.
.
Sa mère avait mis le feu à la maison quinze jours auparavant. Son plan était de toucher la police d'assurance et de se la répartir avec le vieux. Après elle comptait bien se tirer de là avec un prof de gym qu'elle avait rencontré au tennis club municipal.

Xavier avait rapatrié sa bibliothèque au sous-sol, tout était parti de là, sa relation tordue avec ses parents et tout.

Moi je me suis pointée le plus tôt possible, à ras de l'aube pour ainsi dire.

Xavier m'a dit que ça y est, ils divorçaient. Le vieux allait avoir du mal à joindre les deux bouts, elle l'avait plumé, elle l'avait tondu, il ne lui restait plus que ses yeux pour pleurer, ça elle l'avait bien entubé.

"On emmène Proust avec nous" a-t-il murmuré en ouvrant la petite porte battante du garage. La neige nous a aveuglés d'abord, on ne savait pas trop par où déguerpir. Sa main faisait rouler les os de mes doigts et me réchauffait.

Le vieux s'est suicidé juste à la pliure de l'aube.

Après avoir entendu les coups de fusils, on a couru tant bien que mal entre les vignes dans le givre des allées.

mardi 10 janvier 2012

La femme nouvelle et le pus

 La femme se tourna vers lui et tira sur la petite boucle. Sous son peignoir, la peau de la femme pourpre rutilait, pulsait de vibrations semblables à celles d’un poing maintenu fermé. Elle murmura "vois et pardonne", sembla scruter à travers lui...

Mais aussi le monde juste derrière lui...Attention… Du pus suintait de ses blessures. Il pressa les fibres roses autour d’une écorchure sur son mollet droit, serra les dents. Il maintint sa pression et regarda l’écoulement épais, brun et strié de cuivre, comme un vers. Il ne voulait pas savoir comment il se sentait… Juste envisager son changement… Le pus roulant comme une rivière… Ses nerfs qui étaient des fils barbelés et grignotaient et s’enroulaient dans les recoins les plus pourris de ses cent et quelques kilos, envoyaient des décharges de douleur abominables de ses dents à ses tempes… Ses dents… Le côté droit de son corps qui se désagrégeait… Et la jeune femme semblait fixer la verrue sur son pouce droit... Il plia son doigt et le tint serré contre sa paume, rougit légèrement... Les tétons au bout des seins de la jeune femme se bandèrent... Combien d’années qu’ils ne s’étaient pas vus ? Chacun cultivant de son côté sa haine glaciale du genre humain… Aucun des deux ne soupçonnant les pensées profondes de l’autre… La symétrie de tout cela… Il se rappela qu’elle n’avait que 17 ans à l’époque… Qu’elle semblait si naturellement vivante... Si prête à tout pour le rester… Et lui n’avait rien obtenu que ces plaies sur le côté droit… Des ornières de pus et quelques années de réconfort auprès de femmes escarres… L’adolescente fit rebondir ses yeux verts pâles entre ses jambes... Elle répéta "vois et pardonne"… Sa voix ne lui rappelait rien... Sa voix tintait dans le vide...



°°°






Harry était coupé en deux. On l’avait sectionné à l’horizontal au niveau du bassin. Son tronc et sa minuscule tête avaient plongé dans l’obscurité tandis que ses jambes continuaient de ramper vers le rectangle blanc lumineux. Harry se trouvait pour l’instant dans un carré vert émeraude. On distinguait des taches et des traînées dorées qui auraient pu être des éclats d’obus.

Harry était coupé en deux dans le sens vertical mais son cerveau fonctionnait à merveille. Dans sa main droite, il tenait une réplique de grenade. Harry se cramponnait au mur de briques derrière lui.

Attendait.
Gobait des pilules d'Effexor en attendant.

Harry rampait dans une flaque de boue, en direction d’un rectangle blanc lumineux. Il était habillé en soldat mais ne participait à aucune guerre. Quelque-chose grimpait en lui ; une tristesse, une appréhension, une impatience, un foutu enthousiasme. Il fermait les yeux et reniflait la boue.

Harry planta son drapeau sous le regard de Betty. Dans le rectangle bleu marine, il ne restait plus que le tronc de Harry, armé d’un Famas gigantesque, surveillant la bannière imposante et stoïque. Betty se demandait sincèrement à quoi cela rimait ; une vie, comme ça.

Betty avait été démembrée par une sorte d’explosion philosophique qui avait aussi retroussé sa jupe et déchiqueté sa culotte. Betty regardait vers le bas, ses yeux étaient pleins d’étincelles chromées, ses cheveux peints en bleu. Au-dessus d’elle, la toile du ciel était déchirée. 

lundi 9 janvier 2012

plat


Avec des mines atterrées on est entrés dans le supermarché et on a embarqué un écran lcd 42 pouces, n’importe lequel en fait (le moins cher probablement). On n’a pas pris le Home Cinema. La petite regardait en l’air, elle riait et voulait bien nous embrasser si on approchait la joue.

On a roulé 28 kms et on a fixé le Philips au mur du salon. Il y avait des problèmes de branchement, je suis retourné acheter des câbles (56 kms plutôt agréables à cette heure-ci), et ça a fonctionné. J’ai fait deux trois réglages délicats sur l’image et le son. A force d’avoir les yeux sur le truc, j’ai vu qu’il n’était pas bien d’équerre par rapport au plafond, alors on a mis des cales en carton pour le rehausser à gauche.

Cette histoire d’écran plat nous avait excités, on parlait fort, on était joyeux mine de rien, la petite imitait des animaux sauvages en dessinant, l’immense image submergeait nos meubles et nos murs, Denisot et Ariane Massenet ricanaient.

« Il va falloir que je m’y fasse à cet énorme truc, ça change quand même d’avant » a dit Déborah, mais je voyais bien qu’elle rayonnait, je voyais bien qu’elle avait l’impression de franchir un cap. Elle se tenait droite et fière et ça gonflait considérablement sa poitrine.

Pourtant ni elle ni moi n’avons songé à aller nous mettre à l’horizontal à ce moment-là. C’était une autre forme de bonheur qui nous illuminait et je crois que c’est ce qui nous a tapé sur les nerfs à force.

Dix minutes plus tard on était prostrés chacun dans notre coin et on sanglotait en attendant le film

à côté

Les livres que je lis
Ne sont plus aussi forts

La poésie a perdu son goût

La poésie
Ne s’en remettra pas

Elle a roulé au fond du vide avec nous

Et c’est sous un soleil radieux que je conduis
Ma femme et ma môme endormies à l’arrière
Et c’est un peu comme si on m’arrachait le cœur ce soir
La joie et le peu d’humanité qu’il me reste
Sur le bord de la route un chien s’est enroulé et suffoque
Quelque chose me dit qu’il est en train de crever
Il a juste réussi à se traîner là
Ses paupières clignotent
Son ventre aussi se vide avec les secondes
Et tout cela nous est caché par les herbes
La buée sur les vitres

On roule, on roule sans trop faire attention

J’ai depuis longtemps passé le jour
Où en regardant au fond de tes yeux
(Et il fallait me pincer pour y croire)
Je n’ai rien vu
Rien qui avait la force de ces vagues d’incompréhension
Alors ce matin-là je suis resté un peu à somnoler
Je me suis étiré en écoutant les oiseaux et le bruit du vent et la pluie tomber des étoiles
Tu t'es tenue à l’écart
Tu t'es trimbalée de droite et de gauche
Qu’est-ce que tu fabriquais comme ça à travers notre maison avec ton envie de vomir ton mal au dos tes gémissements tes essoufflements ?
La môme s'est mise à me taper dessus
Elle me regardait droit dans les yeux
Elle fronçait les sourcils
Elle me martelait le visage
A un rythme effréné
Je me suis levé
Je n’ai rien vu de plus

Rien qui avait la force de ces vagues d’incompréhension

dimanche 8 janvier 2012

Psychiatre-poisson


Les sentiments sont quelque chose de fuyant.
J'en fais la remarque au Docteur Poisson. Il me dit que oui, faut s'accrocher ferme quand on en tient un au bout de sa ligne.
Il me conseille aussi de mettre de l'eau dans mon vin. En tant qu'alcoolique abstinent je souris et  lui aussi. Poisson serait-il con ?
Non, il aime les calembours. Il me jauge avec son ricanement sous cape et ses manières de vieux lacanien puant des doigts.
Après je lui parle de mes bulles cérébrales et  là ça ne rigole plus franchement .
Il me demande ce que je vois dans ces bulles.
Rien, je réponds. Rien, la plupart du temps.
Des meurtres parfois.
Des meurtres ?
Des scènes de meurtre avec surtout la victime qui court encore, un opinel planté dans son dos, comme un canard sans tête.
Il me demande si ça se passe dehors, dedans, dans un couloir ?
Non, pas dans un couloir. Je ne sais pas, je vois surtout la victime.
Homme, femme ? Enfant ?
Les trois. Mais ils sont tellement petits dans les bulles que ce n'est pas facile à dire.
Qui aimeriez-vous suriner de la sorte ? Poisson adopte parfois ce type de vocabulaire, je ne sais pas pourquoi.
Aucune idée,  je lance, stupéfait. Vraiment aucune idée.
Je donne cinquante euros et traverse la place en prenant soin de me tenir loin des voitures, des hommes des femmes des enfants et de leurs chiens.
Un vieux boucher regarde au-dessus de ma tête. Il a son tablier ensanglanté, son uniforme à petits carreaux bleus, un couteau dans la main qu'il tient à l'horizontal, une tête de cuvette de chiottes.
Que voit-il dans mes bulles, ce vieux boucher ?

vendredi 16 décembre 2011

bouche de lamproie

Le psychiatre-lamproie est à genoux. Intégralement nu dans son bureau au milieu des dossiers patients des dosages sanguins et de ses livres sur l'histoire des religions. Tout cela est répandu au sol dans un foutoir inhabituel pour le psychiatre-lamproie. Pire, à un moment crucial, le psychiatre-lamproie se déplace à quatre-pattes et urine sur le dernier magazine du livre, dédié à Céline, qu'il a reçu la veille.
Le psychiatre-lamproie se met ensuite à pleurer. Il se tord sur le tapis coûteux en geignant, son corps est osseux et pâle, cela fait pitié mais dégage aussi un sentiment de rudesse. Certaines personnes pleurent avec violence, c'est le cas du psychiatre-lamproie. On ne peut pas s'empêcher de jeter un oeil aux jambes vieillies mais musclées, au torse majoritairement glabre si ce ne sont quelques poils aux tétons, à son dos squelettique, à sa nuque veineuse, à son anus sec.
Le psychiatre-lamproie se blottit en boule quelques secondes, dedans dehors effectue quelques mouvements respiratoires puis se redresse à quatre-pattes. A ce moment la vue est imprenable sur l'intérieur du psychiatre-lamproie et l'on constate que son cul a des dents. Des rangées circulaires de toutes petites dents prêtes à vous grignoter le cerveau et les tripes. Il se lève, se rhabille sommairement. Le psychiatre-lamproie vous interroge alors sur les activités prévues pendant ces fêtes de fin d'année. Il dit : "Hmmm... Ah oui, la famille, c'est bien ça....vous ne vous sentirez pas seul". Vous hochez la tête, vous approuvez et dites : "je ne pense pas, non", et tout comme dans un rêve sans fin, l'entretien peut se poursuivre.